Notre Présidente d'honneur Geneviève De Gallard épouse De HEAULME s'en est allée dans sa 99ème année le 30 mai 2024.

Le Colonel DE Gallard Terraube, comandant le camp d'aviation en 1927 est a l'origine de la construction de la chapelle Sainte Jeanne D'Arc , chapelle Mémorial de l'Aviation actuelle. Il était également l'oncle de Geneviève de Gallard. L'infirmière de Diên Biên Phu était à ce titre notre présidante d'honneur.
 

   
Pierre BERRUYER
Paul BURGAU
Charles CRABE
 
La cérémonie du 8 juin 2019 aux invalides organisée par le Premier Ministre Edouard Philippe à été l'occasion pour 4 adhérents de l'ANAI dont trois membres de l'Amicale de rencontrer Genevièvd De Gallard. a cérém
 
Déclaration de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées, en hommage à Geneviève de Galard, une infirmière militaire française durant la guerre d'Indochine, à Paris le 7 juin 2024
 

Mai 1954.

Sous le ciel noir de Diên Biên Phu, dans sa boue, sa moiteur et sa vase : quinze mille hommes vivent là depuis des semaines. Ils espèrent du haut de leurs collines - Eliane, Dominique, Gabrielle. Ils se battent pour un harpin de forêt, tombent, rampent, se relèvent puis repartent... quand ils le peuvent.

Car sous le ciel noir de Diên Biên Phu, bien souvent - trop souvent - les hommes meurent.

Sur ces quinze mille hommes, les obus pleuvent et les balles sifflent derrière chaque arbre. Du haut des montagnes qui les entourent, résonnent les hurlements d'un lance fusée ou le cri sourd d'un soldat qui part à l'assaut et qui se mêle avec celui d'un autre qui tombe.

 

Quinze mille hommes s'enlisent et s'embourbent dans cette terre d'argile qu'une pluie incessante a rendu glaise. Il leur faut sans cesse recreuser leurs tranchées, comme un océan que l'on vide, comme une cuvette qui se perce. Leurs armes s'enrayent, et dans un moment de chance, redémarrent et lancent une grêle de balles sur un ennemi qui n'en finit pas de surgir. De tomber par milliers. Et de ressurgir sans cesse.

Quinze mille hommes, et quelques femmes. Poussées par le destin jusque sur cette ligne de front pour soigner, parfois pour guérir, souvent pour tenir une dernière fois la main de ces hommes qui tombent.

Parmi elles, Geneviève de Galard, 27 ans, n'aurait pas dû être là.

Sa mission est celle des convoyeuses de l'air, qui évacuent les blessés par avion.

Plusieurs fois déjà, avec son équipage, elle s'est posée à Diên Biên Phu, pour évacuer les blessés vers Hanoï ou vers Paris.

Mais le 28 mars 1954, à l'aube, le Dakota qui l'amène endommage son moteur gauche à l'atterrissage. Dans le brouillard d'une forêt qui fume encore l'humidité de la nuit, l'artillerie Viêt Minh perce l'avion à jour, le bombarde et le détruit, ainsi que la piste aéronautique. Emprisonnant ses passagers au creux de cette plaine gorgée d'eau que l'on embrase.

Le sol de la vallée de Diên Biên Phu est devenu un marécage. Plus aucun avion ne peut ni décoller, ni atterrir.

Geneviève de Galard est prise au piège.

Comme ses quinze mille compatriotes, privés de relève, manquant de tout, de vivre, de munitions, de médicaments.

Des camarades, pourtant, continuent de se faire parachuter en renfort dans cette nasse qu'ils savent sans échappatoire.

La bataille est perdue, ils le pressentent. Cette bataille qui depuis deux mois oppose le corps expéditionnaire français aux troupes du Viet Minh, armées par la Chine communiste.

Elle est perdue, ils le devinent, cette guerre d'Indochine qui depuis neuf ans s'est faite de plus en plus frontale, de plus en plus meurtrière, et qui, à force de mauvaises décisions militaires et d'absence de vision politique, tourne à la défaite. La guerre broie dans son remous le destin de milliers d'hommes et de quelques femmes.

En France, bien peu comprennent cette guerre lointaine, beaucoup lui sont hostiles.

Et pourtant, des camarades rejoignent cette saison en enfer, librement, « pour l'honneur et pour les copains », comme le rappela Schoendoerffer dans son film magistral sur la bataille.

Ils se battent pour la République aussi, qui leur a confié cette mission et que beaucoup ont contribué à sauver, dans les combats de la France Libre ou dans ceux de la Résistance.

Ils se battent pour cette terre vietnamienne enfin, qu'ils ont aimé dans sa poésie indomptable, dans son énigme et sa distance altière, dans l'indépendance farouche de ses habitants, et l'ombre odorante des flamboyants.

Geneviève de Galard était une femme de courage, venue d'une lignée de preux.

On lui avait raconté, petite fille, qu'un Galard était aux côtés de Clovis, qu'un autre avait accompagné Jeanne d'Arc
 

Elle puise dans ses racines, dans son éducation stricte et dans sa foi, le courage de tenir. Quand on demanda à Geneviève de Galard, plus tard, ce qui lui avait permis de tenir, elle répondait " Ma foi, et mon rouge à lèvres. "

Parce que cette touche de carmin était le rappel d'un hier, et d'un ailleurs.

Parce que cette foi chrétienne enracinée était l'espérance d'un lendemain.

Et parce que, dans l'élégance du désespoir, le courage se drape d'humour pour ceux qui n'ont plus rien, et qui se permettent d'en rire.

Mais devant les blessés ou les mourants, son courage se galvanise encore : Geneviève de Galard tient bon. Elle devient " l'ange " au milieu de la mêlée.

Elle défie jour et nuit la précarité dérisoire des conditions sanitaires, opérant, soignant et consolant chacun.

Elle sillonne et offre une parole de réconfort à ceux qui sont plâtrés des genoux aux aisselles, aux amputés et aux gueules cassées. Elle conserve toujours un sourire rassurant, alors que partout autour règne une tristesse innommable, indicible, insupportable.

Elle fait mieux que soigner les corps, elle panse les âmes.

Pour des dizaines d'hommes, elle était un dernier regard, un dernier sourire, une main douce et chaude qui tenait le creux de leur paume. Et quand vint leur dernier soupir, ils partaient apaisés de savoir qu'un monde rempli de tant d'horreurs, n'est jamais sans tendresse.

Lorsque Diên Biên Phu tomba, en mai 1954, après 56 jours de combat : trois mille hommes étaient morts. Les douze mille soldats français survivants furent faits prisonniers, et Geneviève de Galard, malgré son refus de les quitter, fut rapatriée en France.

Alors sa silhouette vêtue de la tenue de parachutiste a fait la une des journaux et le tour du monde.

Geneviève de Galard cessa d'être elle-même, elle devint un symbole.

Elle n'est plus qu'une femme, elle est 15 000 soldats.

La chronique de ses exploits exorcise le traumatisme de Diên Biên Phu, et son nom devient le contrepoint de ces trois syllabes sanglantes.

Elle devient l'icône des militaires qui ont rempli leur mission jusqu'au bout, même quand tout est perdu. li leur reste l'honneur d'avoir combattu, elle l'incarne.

A son retour, parmi les lettres de remerciement qui affluent par milliers se glisse une invitation du congrès et du président américain. Fêtée comme une vedette par 250 000 New-yorkais, habillée par les grands couturiers, l'héroïne de 29 ans remonte Broadway sous une pluie de confettis.

Le cœur en deuil dans les rues en liesse, elle ne pense qu'à ses camarades restés en captivité.

Elle pense à ces 12 000 Français, affamés, torturés, épuisés et malades, qui, tandis qu'elle remonte la 5e avenue, fléchissent sous les coups des soldats du Viet Minh sur des chemins de montagne, avant de tomber, un à un.

Seul un de ces Français sur quatre reviendra.

Elle pense à tous ceux pour qui Diên Biên Phu fut un dernier combat, et dont la boue avale les corps, comme la mer ceux des marins.

Leurs dépouilles gisent là-bas, enfouis sans linceul, sans stèle et sans cercueil. Parfois, un de leur copain courageux avait marqué le lieu d'une croix de bambous, sertie de leur nom, gravé dans le métal d'une boîte de conserve.

Elle pense à ce pays de cocagne, à ceux qui l'ont aimé, profondément, et qui s'en sentiront toujours un peu orphelins. Ceux qui, comme Hélie de Saint-Marc, avaient emporté dans leur paquetage « des fleurs séchées, des cicatrices amères et des rêves qui ne voulaient pas s'éteindre. »

Geneviève vivra pour eux, avec une intensité décuplée.

Elle vivra avec l'un d'eux.

Et le 14 juin 1956, les cloches de la cathédrale des Invalides sonnent pour les noces du jeune capitaine Jean de Heaulme et de Geneviève de Galard, silhouette blanche, sous l'immense voûte et sous ses étendards, qui frissonnent ce jour-là d'un vent de bonheur.

Puis les clameurs se sont tues. Les cauchemars, les insomnies, jamais totalement.

Ensemble, ils ont regagné l'anonymat et le chemin du service. Lorsque Geneviève de Heaulme clôture son journal aérien pour se consacrer à sa famille, il compte 1 500 heures de vol, dont 433 en missions de guerre.

Geneviève de Galard est revenue aux Invalides, souvent, silhouette blanche, encore, dans sa blouse de soignante.

A nouveau, elle soigne les corps meurtris de ses camarades, d'un geste sûr et par une rééducation patiente.

Après une jeunesse marquée par tant de courage, la vie de Geneviève de Heaulme continua d'être tournée vers les autres, avec la même force et la même sincérité. Elle s'engage auprès des personnes handicapées, aux côtés de ses camarades de l'association nationale des combattants de Diên Biên Phu avec lesquels elle transmettait son histoire aux plus jeunes, mais aussi pour ses concitoyens, à la mairie du XVII? arrondissement de Paris.

Mais l'engagement de sa vie fut avant tout pour sa famille : ses trois enfants, François, Véronique et Christophe, et pour ses nombreux petits-enfants.


Veillée jusqu'à son dernier souffle par Jean de Heaulme, elle eut droit, jeudi 30 mai, à son tour, à un dernier sourire avant de partir.

Geneviève de Galard est revenue aux Invalides, une dernière fois aujourd'hui, sans blancheur nuptiale, sans blancheur d'infirmière.

Drapée, cette fois, de bleu, de blanc, et de rouge.

Geneviève de Galard est décédée 70 années après la fin des combats de Diên Biên Phû. Ces 70 ans d'histoire ont apaisé les mémoires. La France et le Vietnam avancent désormais en regardant leur histoire sans jamais rien oublier, mais sans passion triste ni rancœur.

Ces 70 ans d'histoire n'ont jamais fait évaporer l'émotion de mai 1954, et les souffrances de quinze mille hommes, collés à la boue, sous une mousson d'obus.

Ils ont laissé un peu de leur âme, quelque part entre le fleuve rouge et la rivière des parfums, dans un pays qui sentait la saumure et le glaïeul, sous les nuages blancs des rizières.

Et votre âme à vous, Madame, les portait tous, vous avez écrit pour eux, pris la plume, vous les avez fait vivre en vous.

Ce sont eux aujourd'hui qui vous font cortège, dans cette grande cour des Invalides.

Quinze mille soldats de la France.

Et vous, Madame.


Vive la République!
Et vive la France !


https://www.defense.gouv.fr,le 10 juin 2024 

 
 
 
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